Nikon signe son entrée dans le monde des hybrides 24 x 36 mm d’un Z, qui veut dire Zorro, comme dans « Zorro est arrivé, sans s’presser ! » Car il en aura fallu du temps pour « réinventer les hybrides » mais surtout se réinventer.
« Mirrorless Nikon reinvented » : changement de paradigme et de fusil d’épaule
Oui, Nikon a présenté un nouveau système composé deux nouveaux boîtiers et trois nouveaux objectifs (pour commencer). Mais ce n’est peut-être pas le plus important. S’il y a une chose à retenir du système Nikon Z, c’est qu’il incarne un renouveau de l’entreprise, du moins, un renouveau dans sa manière de procéder, envisager le marché de la photographie et positionner les boîtiers hybrides par rapport aux reflex.
En effet, Nikon n’en est pas à son coup d’essais en matière d’hybrides, puisque la série One à capteurs 1″ vient à peine d’être enterrée, après sept ans de bons mais discrets et chaotiques services. Comme le rappelle fort bien Renaud lors de sa prise en main du Z7 pour Les Numériques, les Nikon 1 incarnaient la vision que Nikon avait alors des hybrides : faire office de passerelle entre les compacts et les reflex, ces derniers étant les seuls « vrais » appareils photo pour les « vrais » photographes. Ou, en d’autres termes, servir de second rôle, de faire-valoir, de tremplin, choisissez la formulation officieuse que vous préférez. Mais ça, c’était avant. Désormais, Nikon a changé de lunettes, guéri sa myopie, et son regard est tourné au loin, vers le futur (là où il n’y a plus besoin de routes).
En introduisant le système Z, Nikon adoube, officiellement, les hybrides comme les égaux des reflex à la fois en termes d’aptitudes que de légitimité photographiques (et au diable les basses considérations de compatibilité). Car c’est bien là l’élément le plus marquant de la présentation : le meilleur appareil photo de Nikon n’est ni un hybride, ni un reflex, mais celui qui conviendra le mieux au photographe – puisque tous les appareils photo Nikon sont excellents, cela va sans dire (j’vous jure, c’est pas du sarcasme) (ok, peut-être un peu). Ce n’est d’ailleurs pas anodin si Nikon projette rien de moins que de devenir le numéro 1 du marché des appareils 24 x 36 mm, sans distinction entre reflex et hybrides. En procédant de la sorte, Nikon reconnaît également, par ricochet, les effort de la concurrence, Sony, Fujifilm, Panasonic et Olympus en tête. En termes d’image de marque, l’hybride vient donc de prendre, d’un seul coup, +200 points en street crédibilité. Et ce n’est pas rien.
Deux autres points m’ont également frappé lors de cette présentation. Le premier est la relative décontraction des intervenants (on reste chez Nikon, hein, mais laisser tomber la cravate, c’est peut-être un détail pour vous, mais ça compte beaucoup) et la présentation toute en sobriété. Pas besoin de superlatifs, de « best in class« , de « best camera ever« , et tous ces poncifs mercatiques réchauffés, juste le produit, ce qu’il est. Pas besoin d’en faire des caisses : Nikon a confiance en sa création. De même, et cela faisait longtemps que je ne les avais pas sentis chez le constructeur : une joie et une excitation certaine étaient palpables (entre les lignes). Et cela se sent surtout de part le travail des ingénieurs qui, pour la première fois depuis longtemps, avaient les coudées franches pour pleinement s’exprimer. Du coup, je comprends mieux pourquoi ils étaient si mollassons sur d’autres produits grand public ces derniers, s’ils avaient la tête aux Z. Nikon a 100 ans et s’offre une nouvelle jeunesse. Voilà qui fait plaisir !
La monture Z : le cœur du système, la porte des étoiles
Ce n’est pas tous les jours dans la vie d’un ingénieur que la possibilité (nécessité ?) est offerte de créer une nouvelle monture photographique. Et l’exercice a d’autant plus de saveur lorsqu’il s’agit de compléter (succéder ?) à la mythique monture F, fierté des reflex Nikon depuis 1959. Ce n’est pas peu dire, non plus, que les ingénieurs maison s’en sont donnés à cœur joie avec cette monture Z king size : 55 mm de diamètre, 16 mm de tirage mécanique, 11 contacts électriques. Bim, la monture Z devient de fait la plus large monture pour un système 24 x 36 mm, record précédemment détenu par les 54 mm de la monture EF d’un certain Canon. Quant au tirage mécanique, il est de 2 mm plus court que celui de la monture E de Sony (ce n’est pas un hasard).
À bien des égards, les motivations qui ont mené à cette monture Z font beaucoup penser à celles de la monture L des Leica SL et T (51 mm de diamètre, 19 mm de tirage, 10 contacts électriques) : permettre aux ingénieurs opticiens toutes les folies, se préparer au futur, garantir une communication encore plus rapide entre boîtier et objectif (c’est bon pour l’autofocus et l’exposition), le tout en assurant la compatibilité avec les autres systèmes du constructeur et avec les objectifs déjà en circulation (plus de 100 millions dans le cas de ceux en monture F). Amusant, surtout lorsque l’on se souvient que Nikon et Leica sont les deux seuls constructeurs centenaires en activité… Autre point amusant, les ingénieurs étaient tellement pris dans leur élan qu’ils ont pensé à développer des correctifs pour des problèmes auxuquels on ne fait plus attention : breathing (changement de mise au point lors d’un zoom) ou le wobbling (changement de focale lors de la mise au point). En plus, wobbling, c’est rigolo comme mot.
D’ailleurs, pourquoi la monture Z s’appelle-t-elle Z ? Comme je n’ai personne de Nikon sous la main pour avoir une réponse, je vais y aller de mes théories (pas complotistes). En japonais, la lettre Z est souvent utilisée pour désigner la deuxième partie d’une série (c’est pour ça que Dragon Ball Z s’appelle Dragon Ball Z, puisqu’il vient après Dragon Ball…). Le premier système hybride de Nikon ayant été baptisé One, logique que le deuxième soit baptisé Z. Une autre hypothèse est qu’en optant pour la dernière lettre de l’alphabet, Nikon lance directement un défi à Sony et son système « Alpha » (oui mais alors, il aurait plutôt fallu l’appeler Nikon Omega, non ?). La troisième hypothèse est bien plus pragmatique : traditionnellement, les constructeurs choisissent une (ou plusieurs) lettre(s) de l’alphabet pour désigner leur monture. Et parmi les lettres encore disponibles, il ne restait guère que le I, le J, le U, le W et le Z. (Et encore, il a existé une monture Z, chez Mamiya…) Quatrième hypothèse : le Z, c’est comme le N de Nikon, mais en PLS. Je vous laisse méditer là-dessus.
Système Z, mais optiques de série S (allez comprendre)
Un système photographique pérenne, ce sont certes des boîtiers, mais surtout des objectifs. Et en quantité, tous les constructeurs qui se sont lancés dans l’aventure hybride ces dix dernières années l’ont bien compris, souvent à leurs dépens (in memoriam, Samsung). En bon élève, Nikon a observé, pris des notes, assimilé la leçon, pour ne pas reproduire les erreurs du passé. Ça a du bon, finalement, cette manie de regarder les autres essuyer les plâtres pour ne se lancer qu’une fois le terrain déminé… C’est pourquoi, avant de parler des objectifs S, un petit flashback s’impose.
En octobre 2013, lorsque Sony a présenté ses premiers Alpha 7 – le 7 et le 7R, un modèle 24 Mpx et un modèle haute définition de 36 Mpx –, ces boîtiers étaient accompagnés de quatre objectifs. En fait, deux plus deux. Disponibles en même temps que les boîtiers, vous trouviez deux focales fixes signées Zeiss, un 35 mm f/2,8 et un 55 mm f/1,8. Disponibles quatre mois plus tard, deux zooms, un Zeiss 24-70 mm f/4 et un Sony 28-70 mm f/3,5-5,6. Ce n’était alors qu’un début, Sony promettant une offre de 15 optiques à la fin 2015 (promesse d’ailleurs tenue). Et bien, croyez-le ou non, mais Nikon annonce deux boîtiers (le Z6 et le Z7), un de 24 Mpx et un haute définition de 45 Mpx (mais quel hasard !), accompagnés de trois objectifs : un 35 mm f/1,8, un 50 mm f/1,8 et un zoom 24-70 mm f/4 (mais quelle heureuse coïncidence) ! Chez Sony, il fallait compter 800 € pour le 35 mm, 1000 € pour le 55 mm et 1200 € pour le 24-70 mm. Nikon, de son côté, demandera 679 € pour son 50 mm et 1099 € pour le zoom. Seul le 35 mm est plus cher au lancement, à 949 €, mais il est aussi plus lumineux que le Sony. Et c’est le moment de râler parce que, putain oui, ça fait cher pour des optiques en f/1,8, surtout quand les équivalents en monture reflex se trouvent tous deux aux environs de 200 €…
Trois objectifs c’est bien, quatre c’est mieux. Quatre c’est bien, mais une roadmap jusqu’à 2020, avec neuf objectifs supplémentaires, c’est encore plus mieux. Commençons par le numéro quatre, la grosse Bertha illustrée ci-dessus. Contrairement aux apparences, il ne s’agit ni d’un téléobjectif ni d’un stagiaire qui aurait abusé de Photoshop, mais bien d’une focale fixe qui devrait arriver en 2019. Et pas n’importe quelle focale fixe : un 58 mm f/0,95 ! Il s’agira de l’optique photographique la plus lumineuse jamais produite par Nikon, qui égalera, avec dix ans de retard, le Leica Noctilux-M 50 mm f/0,95 ASPH et l’incroyable Canon 50 mm f/0,95 TV sorti lui en… 1961. Notez que ces trois objectifs sont à mise au point manuelle. Notez également que ces trois objectifs pourront être utilisés sur un Nikon Z. Notez enfin qu’au niveau tarif, ça risque de piquer, fort, très fort, autant que la courbe FTM, puisque ce Noct-Nikkor S 58 mm f/0,95 doit incarner la quintessence du savoir-faire optique de Nikon. Et si vous voulez râler en spéculant sur le prix, puisqu’il est possible de trouver d’autres 50 mm f/0,95 à mise au point manuelle bien moins chers que ces trois là, je vous renvoie à l’explication du pourquoi du comment que les Chinois s’y prennent pour réduire les prix que m’avait donné Kazuto Yamaki, le PDG de Sigma, au début de l’année.
Avant de vous montrer la roadmap de la gamme S que vous attendez tous (et que vous avez probablement déjà découverte ailleurs), un petit point Histoire s’impose. Ce Noct-Nikkor S 50 mm f/0,95 se veut l’héritier du Noct-Nikkor 58 mm f/1,2 AI/AIS des années 70 – qui, en fait, a déjà un demi-héritier actuel, en monture F, le Nikkor AF-S 58 mm f/1,4 G. C’est à la fois une bonne, et une moins bonne nouvelle. Une bonne nouvelle, parce que les clins d’œil au passé, c’est cool. Une mauvaise parce que le Noct-Nikkor 58 mm f/1,2 AI/AIS, lui-même une version extrême dérivée du Nikkor 50 mm f/1,2 AI/AIS de la même époque, était un objectif tellement spécialisé en photographie de nuit que, en plein jour, il en devenait foireux. Poétique, mais foireux. Mais poétique. Choisissez votre camp. Du coup, espérons que le Noct-Nikkor S 58 mm f/0,95 à venir se montrera un poil plus polyvalent. Dans tous les cas, ce devrait être du lourd, dans tous les sens du terme. Fin de la parenthèse. Et donc, roadmap.
Comme vous pouvez le constater, en moins d’un an, la plupart des besoins entre le 14 mm et le 200 mm seront couverts. Nikon a bien travaillé à remplir les cases : focales fixes de reportage, objectif à portrait, duo de zooms en f/2,8 dès 2019, trinité complétée en 2020, ultra grands angles lumineux, tout y est ! Ou presque. Vous noterez l’absence d’objectif macro (par exemple), d’objectif à bascule et décentrement et… de téléobjectifs au-delà de 200 mm. Mais rassurez-vous : d’une part, Nikon se réserve le droit de modifier cette roadmap (plutôt en l’enrichissant qu’en l’apauvrissant, je l’espère). D’autre part, est-ce bien grave s’il n’y a pas, en monture Z native, d’objectifs à bascule et décentrement ni de téléobjectifs, puisque ceux-ci existent déjà en monture F ? Pour ces deux catégories d’optiques, des doublons seraient inutilement onéreux à développer (et à acquérir), et l’utilisation d’une bague d’adaptation ne changerait pas grand chose à l’usage (pour la bascule et le décentrement) ou à l’encombrement et au poids (pour les téléobjectifs).
Ah, oui, parce que je ne vous l’ai pas dit : il y aura bel et bien un adaptateur F vers Z (« F to Z », in english), baptisée FTZ (tout simplement) (F2Z, ça faisait peut-être un peu trop boyz band de J-Pop). Youpi pour l’interopérabilité hybride x reflex que j’évoquais hier, moins youpi pour le porte-monnaie, puisque la bague FTZ sera facturée 300 € seule, ou 150 € en kit. Ce serait une chouette idée que de proposer une ristourne, genre, offrir la bague aux premiers acquéreurs de boîtiers Z… Quoi qu’il en soit, à en croire Renaud des Numérique, la bonne nouvelle est que la bague, même à l’état de pré-série, fonctionne à merveille et préserve toute la réactivité des optiques Nikon F.
Et maintenant, c’est l’heure de parler des boîtiers ! Ah, non, pas tout à fait. Comme le souligne MamzelAmanda dans un commentaire posté sous mon article précédent, une question se pose : avec une ligne Nikkor F en APS-C, une ligne Nikkor F en 24 x 36 mm et une ligne Nikkor S, l’une des trois ne risque-t-elle pas de disparaître à terme ?
À très long terme, impossible de répondre. En tous cas, la ligne Nikkor S devrait perdurer (encore heureux), et je suis même prêt à parier qu’elle sera exclusivement constituée d’objectifs conçus pour le 24 x 36 mm. Je ne vois pas, aujourd’hui, pourquoi Nikon déclinerait ses Z en APS-C, ce n’est pas dans son intérêt économique, ni industriel, et cela ne correspond pas à l’image très haut de gamme que le constructeur veut donner du système naissant. Les montures F, APS-C (DX) et 24 x 36 mm (FX), devraient elles aussi être maintenues. D’une part parce que l’une et l’autre sont déjà bien fournies. D’autre part parce que Nikon aura toujours besoin de pourvoir aux besoins des propriétaires de reflex DX et FX. À en juger la roadmap ci-dessus, Nikon prévoit un développement plutôt intelligent, sans chevauchement ni canibalisation : cette affaire m’a tout l’air d’avoir été mûrement réfléchie.
Autre question soulevée relative aux opticiens tiers : quid de l’arrivée d’une (encore) nouvelle monture ? Là, mystère et boule de gomme. C’est la grande inconnue de cette monture Z : faudra-t-il passer par de l’ingénierie inversée, comme ils y sont aujourd’hui contraints avec la monture F (avec procès pour violation de la propriété intellectuelle à la clé), ou Nikon se montrera-t-il sur ce point également plus souple, plus mature, et plus en phase avec l’évolution industrielle actuelle ? Le premier qui a la réponse dans une boule de cristal a gagné. En attendant, parlons des boîtiers. (Ouuuuiii ! Ouuuuiiii !)
Nikon Z6 vs. Sony Alpha 7 III, Nikon Z7 vs. Sony Alpha 7R III : let there be love light fight !
Et donc, les boîtiers. Vous aurez du coup compris qu’il y en a deux, se différenciant par leur capteur, directement positionnés en face de leur rival Sony respectif. Les deux Nikon Z6 et Z7 partagent un chassis commun, en magnésium, de 675 grammes, et profitent d’une construction tous temps (tout comme les objectifs S, d’ailleurs). L’ergonomie est identique, avec écran tactile de 8 cm pour une définition de 2 100 000 points, un viseur OLED de 3 390 000 points au dégagement oculaire de 21 mm et couvrant « presque » 100 % du champ, un écran secondaire sur l’épaule droite (oh oui !) et plein de petits boutons partout, dont un joystick. Si l’ensemble ressemble beaucoup aux reflex professionnels du constructeur (et c’est le but), l’absence de rétroéclairage des touches est regrettable (mais ce n’est pas le pire). Z6 et Z7 bénéficient d’une connectique physique très complète (USB Type C, HDMI, prises casque et microphone), complétées par du WiFi qui dépote et du Bluetooth basse consommation (Snapbridge oblige).
C’est le tout nouveau processeur Expeed 6 qui orchestre ce petit monde. Il pilotera notamment un obturateur mécanique grimpant à 1/8000 s, doublé d’un obturateur électronique (mais la vitesse maximale n’est pas précisée). La mesure d’exposition descend jusqu’à -3 IL mais, à certains endroits, Nikon parle de -4 IL (qui croire, Nikon ou Nikon ?). Très gros point de réjouissance : la batterie utilisée est la EN-EL15b que l’on trouve déjà sur les Nikon D850 et D750, et ça, c’est franchement cool. Notez que que seule la version b de l’EN-EL15 permet la recharge en USB, pour laquelle l’adaptateur secteur est fourni d’office (trop sympa). Mais une recharge USB qui ne s’active qu’une fois le boîtier éteint (moins sympa).
Autre point commun, et pas des moindres : les capteurs sont stabilisé ! Sur 5 axes ! Trop cool, comme les Sony Alpha 7 II et III ! En même temps, Nikon n’avait pas tellement le choix, compte tenu de la tendance actuelle. Et puis, avec toute la place disponible avec cette monture de 55 mm, ça aurait été de l’espace inexploité inutilement gâché. Pour son coup d’essai, Nikon avance un gain de 5 IL, ce qui est plus que raisonnable. L’intérêt d’un tel système est bien connu et, dans le cas précis des Nikon Z, a d’autant plus d’intérêt avec toutes les optiques en monture F non stabilisées (et il y en a un paquet).
Du côté des aptitudes vidéo, les Nikon Z s’essoufflent quelque peu. Malgré les efforts évidents du constructeur, son retard technologique demeure criant. Parmi les efforts, le développement d’un profil N-Log est plus que bienvenu, en espérant que, via mise à jour firmware, au moins les derniers reflex FX et DX pourront aussi en bénéficier. Sur les cadences d’enregistrement, par contre, Z6 et Z7 se montrent bien plus timides, certains diront classiques, d’autres frileux. La Full HD se fait jusqu’à 120p quand la 4K/UHD se limite au 24p et 30p. Point de 60p, donc. De même, point de HEVC/h.265, l’enregistrement se fait avec le bon vieux codec h.264. Et, Nikon n’ayant pas encore pris le pli, il n’y a pas de communication des débits. Allez, soyons sympas : l’enregistrement, en Full HD aussi bien qu’en 4K/UHD, se fait en utilisant toute la largeur du capteur. Autre point très attendu : l’enregistrement en 10 bits (après tout, il y a du N-Log, non ?). Alors… il y en a, mais il n’y en a pas. C’est la petite pirouette marketing habituelle qui est utilisée (et c’est bien la seule pirouette de la présentation) : pour enregistrer en 10 bits, il faudra passer par la sortie HDMI non compressée et avoir recours à un enregistreur externe. Donc, du 10 bits, il n’y en a pas vraiment, du moins, pas en interne sur la carte mémoire. Et là, c’est le drame.
À mes yeux (et je ne suis pas le seul à penser cela), si les Nikon Z ont un défaut criant, il faut le chercher du côté du stockage. En fait, deux défauts sont cumulés. Le premier, c’est qu’il n’y a qu’un seul emplacement pour carte mémoire. Il paraît qu’il fallait faire de la place pour les grosses batteries EN-EL15b. Le second, plus problématique, est que Nikon a opté pour le format XQD. Certes, le même que celui utilisé sur ses reflex professionnels (mais qui, eux, ont deux emplacement mémoire, dont un SD), mais ce choix risque d’être un sacré frein pour ceux non équipés de boîtiers utilisant de telles cartes (en fait, la majorité des photographes) qui auraient été tentés de switcher sur un Nikon Z. Un choix difficile à comprendre, si ce n’est que Nikon protège ses propres intérêts, ou que le responsable du développement des cartes XQD a frappé plus fort que les autres sur la table, ou que tout le monde était en RTT ce jour là… Ceci dit, si vous voulez quelqu’un qui tape sur la table, et qui le fait bien, et qui expliquera bien mieux que moi pourquoi la XQD c’est du caca (mais avec des mots de grande personne), je vous conseille la lecture du billet au titre évocateur posté par Franck sur son blog : « Et si on butait la CF ? »
Et les différences entre Z6 et Z7 ? Les capteurs. Si tous deux mesurent 24 x 36 mm, si tous deux sont de type BSI CMOS (donc rétroéclairés) (donc encore une première chez Nikon) (et de conception spécifique, donc pas simplement piqués aux Sony Alpha 7 ni au Nikon D850), ils se distinguent par leur définition : 24 Mpx pour le Z6 et 45 Mpx pour le Z7. Du coup, chacun a l’avantage de ses inconvénients, et vice versa. Le Z6 et ses 24 Mpx peut compter sur 273 points AF quand le Z7 et ses 45 Mpx en jouit de 493, dans les deux cas 90 % de l’image sont couverts. Et il est important de souligner qu’il s’agit d’une mise au point à corrélation de phase, une technologie héritée des Nikon 1 ! Côté rafale, le Z6 peut grimper à 12 images par seconde quand le Z7 se contente de 9 images par seconde (ce qui est déjà énorme). Côté sensibilité, le Z7 est le moins sensible des deux, avec une plage allant de 64 à 25 600 ISO, qu’il est possible d’étendre jusqu’à 102 400 ISO, quand le Z6 joue entre 100 et 51 200 ISO, avec possibilité de descendre à 50 ISO et monter jusqu’à 204 800 ISO. Enfin, le surcroit de définition du Z7 lui permet de faire de la 8K. En time-lapse. Comme le D850. Mais chut.
Ah, et bien sûr, il y a le prix, mais ça, tout le monde s’en moque. (Au cas où quand-même : 2299 € pour le Z6 nu, 3699 € pour le Z7 nu.)
Les dernier mots, avant le choc des poteaux photos
Cela faisait longtemps, très longtemps, qu’un nouveau système Nikon ne m’avait pas autant enthousiasmé. En fait, un nouveau système tout court. Je suis d’autant plus heureux du contraste saisissant que le système Z offre par rapport aux catastrophes qu’on été les action-cams Keymission et tous ces reflex insipides sortis récemment du même moule (littéralement). Et je dis merci à Nikon, je leur dis merci, je chante Nikon, je danse Nikon… je ne suis qu’amour ! Ou peut-être pas totalement. Cette histoire de carte XQD me chiffonne vraiment, c’est pire qu’un fashion faux pas, ce choix pourrait leur coûter la reconquête. Espérons que, comme sur le D5, il sera possible de faire modifier son boîtier pour qu’il accepte de la SD (mais je doute que ce soit prévu).
Les prix ? Oui, à première vue, c’est violent. Très violent. Mais, oh, à quoi vous attendiez-vous ? Nous parlons de boîtiers 24 x 36 mm, résolument haut de gamme ! Et faut-il rappeler que le Sony Alpha 7 III est lui aussi sorti à 2300 €, et qu’il fallait débourser 3500 € lors de son lancement pour s’équiper de l’Alpha 7R III ? Donc, en fait, les Z6 et Z7 sont ni moins ni plus chers (et la gamme optique intra-marque sans commune mesure). Les seuls autres hybrides 24 x 36 mm récents sont quant à eux estampillés Leica, et aucun ne coûte moins de 6000 €. Alors, me direz-vous, et fort heureusement, il est possible de s’offrir de l’hybride 24 x 36 mm pour bien moins cher, en optant pour les Sony Alpha 7 de première ou de deuxième génération, qui n’ont pas dit leur dernier mot. Ce dilemme se pose d’autant plus que si Nikon sort une copie très propre avec ses Z6 et Z7, le constructeur ne prend, finalement, que peu de risque technologiquement parlant, puisqu’à part les raffinements optiques, du côté des boîtiers, il n’y a rien qui n’ait déjà été vu ailleurs, et certaines caractéristiques de pointes manquent encore à l’appel.
Nikon s’est réinventé, oui, et son arrivée parmi les hybrides avec des propositions sérieuses ne peuvent qu’être saluées. Mais, prudence étant mère de sûreté, il est clair que les ingénieurs en avaient encore sous la pédale. Espérons que ce que font les Z6 et Z7, ils le feront bien, et que le reste suivra. Mais pour cela, j’ai confiance. Après tout, ce n’est que le début du retour du réveil de la Force contre-attaque. En attendant la riposte de Canon, qui ne saurait tarder, tout comme celle du Sony, qui doit encore sortir son Alpha 7s III…
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