Il était entendu que Canon se lancerait aussi dans la course aux hybrides 24 x 36 mm. Il était attendu, encore plus après l’annonce des Nikon Z. Sous le sceau du secret presque jusqu’à la dernière minute, le voilà enfin, l’EOS R !
Canon versus Nikon : la même histoire, racontée autrement
« 5, 4, 3, 0, et après PAF ! Pastèque. » C’est un peu comme si Canon et Nikon s’étaient entendus pour attendre tous deux cinq ans avant de sonner la fin de la récréation. À compter de la rentrée 2018, Sony ne sera donc plus tout seul sur le marché des hybrides 24 x 36 mm – même s’il n’a jamais été tout seul, certes, mais il faut bien reconnaître que Leica navigue dans un monde parallèle. Deux semaines presque pile poil après l’annonce par Nikon de son nouveau système Z, c’est au tour de Canon d’entrer dans l’arène, littéralement, puisque c’est le Festival International du Photojournalisme de Perpignan/Visa pour l’Image, que le constructeur a choisi pour dévoiler son petit dernier.
Ce n’est pas la première fois que Canon choisit cet évènement majeur du calendrier photographique pour présenter un nouveau produit. En 2016, Visa pour l’Image avait déjà été le théâtre de l’annonce de l’EOS 5D Mark IV, héritier d’une lignée de reflex synonymes de 24 x 36 mm « grand public », souvent préféré sur le terrain à la série EOS 1D car plus compact. Tiens tiens… Partenaire de la manifestation depuis 29 ans, Canon est un peu comme à la maison, d’autant plus que le climat catalan y est en ce moment bien plus doux qu’au Japon, actuellement frappé par Jebi, le typhon le plus violent que l’Archipel ait connu depuis 25 ans.
En optant pour un festival de photographie plutôt que pour un salon technique, en optant pour un pays étranger (la France) plutôt que ses propres terres japonaises, contrairement à Nikon qui a présenté son hybride à la presse mondiale à Tokyo, Canon est très clair sur son positionnement : être au plus proche de la photographie, et encore plus des photographes. Ce qui est, quelque part, un joli pied de nez à son rival de toujours, dont le slogan est « At the heart of the Image« … À moins que ce ne soit un hasard, mais là, j’en doute très très fort.
Une autre différence saisissante entre la présentation des Nikon Z et de l’EOS R : le silence presque absolu, quasiment jusqu’à la dernière minute. Alors que Nikon a opté pour une stratégie fondée sur un teasing progressif, faisant monter la sauce durant toute la période estivale, Canon a opté pour le silence, laissant le champ médiatique libre aux Jaunes. Même si l’arrivée d’un hybride 24 x 36 mm signé Canon n’était qu’un secret de Polichinelle, il aura fallu attendre la toute dernière semaine avant l’annonce officielle pour voir (enfin) fuiter les premières informations ! De mémoire de journalistique technique, en cinq ans chez Les Numériques, je n’avais jamais connu une telle omerta, et nombre de mes confrères, pourtant bien plus expérimentés, confirment cette étonnante situation. Ce qui poussait à envisager deux hypothèses : soit Canon ne préparait rien (impensable, mais probable), soit Canon s’apprêtait à jouer gros. Très gros. Verdict ?
Canon EOS R : un tout nouveau système hybride, concentré sur les optiques… et tournant le dos aux EOS-M APS-C
Monture Canon RF : (encore) une nouvelle monture !
Même si j’ai longtemps pensé que Nikon pouvait se débrouiller en recyclant la monture Nikon 1 de ses hybrides à capteurs Type 1″, il était finalement logique qu’une toute nouvelle monture soit développée pour pleinement profiter du potentiel d’un capteur 24 x 36 mm. Et donc, la monture Z. Chez Canon, il aurait été logique que la monture EF-M, spécialement développée pour les hybrides EOS-M du constructeur à capteurs APS-C, soit maintenue pour les hybrides à capteurs 24 x 36 mm. Après tout, avec un tirage mécanique de 18 mm et un diamètre de 47 mm, cette monture s’avère légèrement plus grande que la FE de Sony (18 mm de tirage, 46,1 mm de diamètre). Donc, concevoir des optiques aptes à couvrir le 24 x 36 mm en monture EF-M aurait été plus que possible, surtout pour une entreprise ayant l’expérience de Canon. Sauf qu’en fait, non.
La nouvelle monture Canon RF dispose des dimensions suivantes : 54 mm de diamètre pour un tirage mécanique de 20 mm. Pour rappel, les montures EF et EF-S, qui équipent respectivement les reflex 24 x 36 mm et APS-C de Canon, ont elles aussi un diamètre de 54 mm mais un tirage mécanique de 44 mm. Pour rappel, la monture Nikon Z mesure 55 mm de diamètre pour 16 mm de tirage mécanique. Comme dans un Cluedo, maintenant que les protagonistes sont mis en place, le petit jeu des déductions de ce qu’il est possible de faire (et ne pas faire) commence. Il sera donc possible de : monter des optiques de reflex Canon sur l’hybride Canon RF. Ok. Il sera possible de monter des optiques de reflex Canon sur des hybrides Nikon Z. Ok. (Même si ça déborde du schmilblick du jour, c’est toujours amusant à rappeler). Et, bien sûr, il sera possible, pour peu que les adaptateurs existent (et ils existeront), de monter n’importe quel objectif prévu pour des reflex 24 x 36 mm sur les hybrides Canon RF. Voilà pour ce qu’il est possible de faire. La liste de ce qu’il n’est pas possible de faire, par contre, est bien plus longue.
À cause du tirage mécanique plus petit (18 mm contre 20 mm), il ne sera pas possible de monter des optiques EOS-M sur des boîtiers Canon RF. Alors, vous me direz « certes, mais des optiques conçues pour l’APS-C sur un boîtier 24 x 36 mm, est-ce utile ? » Bah, oui. Pourquoi pas ? A contrario, à cause de la proximité des tirages mécaniques (seulement 2 mm de différence), il sera tout aussi impossible de monter des optiques Canon RF sur des boîtiers EOS-M. Et ça, c’est quand-même plus problématique. Là encore, vous me direz « oui, mais ceux qui achètent des hybrides APS-C, le grand public, vont-ils franchir le pas pour un système 24 x 36 mm bien plus onéreux ? » Pourquoi pas (bis) ? Surtout, situation inverse : un professionnel équipé en Canon RF 24 x 36 mm n’a-t-il pas le droit de disposer, en boîtier secondaire, d’un autre hybride APS-C, du même constructeur, comme il le faisait probablement déjà avec ses reflex ? Et à moins que Canon ne sorte un RF APS-C, pour le moment, les seuls choix disponibles sont les Canon EOS-M… qui nécessitent d’autres optiques.
Canon est coutumier de ce genre d’embrouille dès qu’il s’agit de nouvelles montures. À l’introduction du système EOS en 1987, Canon a imposé à ses fidèles de complètement jeter à la benne les optiques FD (48 mm de diamètre, 42 mm de tirage), incompatibles avec la nouvelle monture EF. Lorsque les premiers reflex numériques Canon EOS 24 x 36 mm ont été introduits, Canon a bien précisé qu’ils utilisaient une monture différente (monture EF) de celle des reflex numériques Canon EOS à capteurs APS-C (monture EF-S), et qu’utiliser un objectif APS-C sur un boîtier 24 x 36 mm (et vice versa) était dangereux ! Alors qu’en fait, ça marche très bien, et aucun client n’est devenu aveugle (enfin, pas à ma connaissance, et pas à cause de ça). Alors, bon, introduire encore une nouvelle monture RF, qui complique un peu plus les choses, après tout, ils ne sont plus à ça près. Canon confirme cette singularité d’être le constructeur à proposer, pour une même catégorie d’appareils, des montures différentes en fonction de la taille du capteur contrairement aux montures Nikon F, Pentax K, Sony E et A, Leica M et TL, qui sont toutes aussi bien utilisées sur des boîtiers APS-C, APS-H et 24 x 36 mm, sans modification physique. De manière ironique, vous aurez noté que, 31 ans après leur arrêt, les optiques Canon FD vont, pour la première fois, pouvoir être utilisées sur des boîtiers numériques Canon à capteurs 24 x 36 mm… Tiens, d’ailleurs… « Des » boîtiers ?
Un seul boîtier (pour le moment), mais plein d’objectifs !
Face aux trois mousquetaires Sony Alpha 7 et le d’Artagnan Alpha 9, après les faux jumeaux Nikon Z 6 et 7, Canon a choisi de n’introduire son nouveau système qu’avec un seul boîtier. Ce qui peut paraître pingre mais est, finalement, la solution habituelle. C’est qu’on s’habituerait vite à l’abondance ! Pour celle-ci, chez Canon, il faudra plutôt se tourner du côté des optiques. Et quel panel ! N’ayant pas oublié qu’en photographie, un achat raisonné démarre surtout avec un investissement dans des optiques faites pour durer et survivre boîtier après boîtier, Canon Le Rouge a sorti l’artillerie lourde : un 35 mm f/1,8, un 50 mm à f/1,2 (donc deux fois plus lumineux que le Nikkor-S 50 mm f/1,8), un 24-105 mm à f/4 et, surtout, un 28-70 mm f/2 ! Hallelujah !
Sans exagérer, cela fait des siècles que nous attendions un zoom transtandard à l’ouverture constante plus grande que le traditionnel f/2,8. Nous en avons rêvé, Canon l’a fait ! C’est le premier objectif de ce genre. En effet, il y a bien eu feu le Samsung NX 16-50 mm f/2-2,8 mais, outre son ouverture glissante, il était destiné aux capteurs APS-C des hybrides coréens. Plus lumineux, il y a bien les Sigma 18-35 mm f/1,8 DC HSM | Art et Sigma 50-100 mm f/1,8 DC HSM | Art, mais, outre leur amplitude plus faible, ils sont surtout destinés aux capteurs APS-C. Couvrant le 24 x 36 mm, seul Sigma s’était aventuré à proposer un zoom ouvrant à f/2 constant, mais le 24-35 mm f/2 DG HSM | Art n’a, en termes d’amplitude, rien à voir avec le 28-70 mm du nouveau Canon RF. À l’instar du Noct-Nikkor S 58 mm f/0,95, ce zoom Canon RF 28-70 mm f/2 marque un nouveau jalon dan l’histoire de l’optique photographique, en empruntant là encore un chemin tout à fait différent… avec de l’autofocus, plus de polyvalence, et un prix bien plus doux, oserais-je préciser si j’étais taquin. Ah, qu’elle est belle cette rentrée 2018 pour les geeks de la photographie.
Non pas une, ni deux, mais trois bagues d’adaptation EF vers R : les véritables bonnes surprises
Tout comme Nikon, Canon a l’avantage d’arriver dans le monde des hybrides 24 x 36 mm en pouvant s’adosser au large parc optique déjà disponible pour ses reflex 24 x 36 mm. Mais, encore une différence de discours, là où Nikon insistait sur la quantité d’objectifs en monture F en circulation, Canon préfère mettre en avant leur totale compatibilité avec le nouveau système hybride. Les Rouges se veulent rassurants, à l’écoute de leur clientèle.
Le fait que Canon ait prévu une bague d’adaptation EF vers EOS R n’a, en soi, rien d’étonnant. Son absence aurait, de toute manière, était impardonnable. Par contre, ce qui frappe et en dit long sur l’état d’esprit du constructeur est qu’il ne s’est pas contenté d’offrir une « simple » bague d’adaptation faisant la connexion mécanique et électronique. En effet, parallèlement à l’évidente bague EF > EOS R, deux autres ont été développées : une « bague d’adaptation avec bague de commande EF-EOS R » et une « bague d’adaptation EF-EOS R pour filtre insérable ». Et ce sont elles deux qui, vraiment, dans le système, se révèlent géniales (au moins dans l’idée), car elles apportent un véritable plus dans l’utilisation des objectifs reflex en monture EF sur un hybride EOS R.
Mais que se cache-t-il derrière ces nomenclatures un peu barbares ? La première bague spéciale comporte, comme son nom l’indique, une « bague de commande » programmable, comme celle que l’on trouve sur les compacts experts de la famille PowerShot GX du constructeur. Via cette bague, vous pourrez, de la main gauche (celle qui est censée tenir l’objectif, théoriquement, mais vous faites ce que vous voulez), régler l’ouverture, la vitesse, la sensibilité, corriger l’exposition. C’est assez brillant comme idée, d’autant plus que l’EOS R comporte, bien sûr, un système à double molette, un écran tactile et une touchbar, mais j’y reviendrai. La seconde bague spéciale comporte, toujours comme son nom l’indique, un porte filtre, pour filtres insérables. Canon en a créé trois : un filtre clair (baptisé CL), qui ne fait rien, sinon combler l’espace, un filtre polarisant (baptisé PL) et un filtre à densité neutre variable (baptisé V-ND). Et ça, c’est vraiment brillant, à la fois d’un point de vue technique, d’un point de vue vidéographique et d’un point de vue commercial puisque Canon coupe ainsi l’herbe sous le pied des accessoiristes – je pense notamment à l’Aputure DEC Vari-ND, vendu la bagatelle de 800 € et bien plus encombrant ! De plus, l’avantage de ce genre de cette bague porte-filtre, c’est qu’une seule bague suffit pour tous les objectifs : pas besoin d’acheter autant de filtres ND ou polarisants que vous avez d’objectifs EF de diamètres différents ! C’est vraiment très bien joué de la part de Canon. On en viendrait presque à oublier l’incompatibilité entre optiques EF-M et boîtiers EOS R…
Canon EOS R : une fiche technique sans surprise ni révolution. Oui mais…
Peu de prises de risques et des lacunes : la « déception » au premier abord
Parcourir la fiche technique du Canon EOS R, c’est un peu comme, disons… lire le dernier roman d’un auteur à succès (au hasard, Amélie Nothomb ou Alexandre Jardin) : c’est bien foutu, c’est pas désagréable à parcourir, mais ça reste assez convenu et il y a toujours ces quelques petits défauts assez agaçants. Un peu comme Nikon et ses Z, Canon semble s’être surtout attaché à cocher des cases :
- Capteur de l’EOS 5D Mark IV (ou presque), soit un CMOS Dual Pixel de 30,3 Mpx : OK
- Processeur Digic 8 de dernière génération : OK
- Double molettes : OK
- Ecran secondaire sur l’épaule droite : OK
- Batterie identique à celle de son reflex phare (la même LP-E6N que l’EOS 5D IV) : OK
- Ecran orientable et tactile : OK
- Viseur Oled de 3 millions de points (et des cacahuètes) : OK
- Slips et chaussettes de rechange : OK
- WiFi et Bluetooth : OK
- Prises HDMI non compressée, USB 3.1 Type-C, casque, micro et télécommande : OK
- Compatibilité avec les flashs Speedlite : OK
- Vidéo 4K/UHD et Full HD : OK
Et ainsi de suite. Une véritable check-list avant décollage, donc. Le bon côté, c’est qu’en jouant la carte de sécurité, Canon s’assure de ne pas faire de faute de goût, d’utiliser des technologies qu’il maîtrise déjà, re rassurer quant à la fiabilité de la bête (et au bien être de son SAV). Bref, la même sensation de « oui mais » que l’on ressentait déjà lors de sa sortie de ses derniers boîtiers. Pas de folle excitation, donc, d’autant plus que de nombreuses lacunes, mais aucune de véritablement rédhibitoire, apparaissent rapidement :
- Pas de stabilisation du capteur (contrairement aux Nikon Z et Sony Alpha 7 et 9)
- Vidéo 4K/UHD en 24/25/30p seulement
- Vidéo 4K/UHD recadrée (comme sur l’EOS 5D Mark IV et l’EOS-1D X Mark II), puisque Canon privilégie la stabilisation électronique
- Pas de vidéo Full HD en 120p
- Pas d’enregistrement en 10 bits en interne
- Un seul emplacement mémoire (mais c’est de la SD UHS-II, et pas de la CFast 2.0, ouf, tout le monde n’est pas aussi tordu que Nikon !)
- Pas de mode totalement silencieux (obturateur mécanique seulement, de 30 s à 1/8000 s)
- Pas de mode panoramique (mais ça, c’est un running gag chez Canon)
En fait, on croirait une redite des Nikon Z (la stabilisation en moins, l’UHS-II) en plus. À croire qu’ils le font exprès ! Néanmoins, en y regardant de plus près, un peu comme pour ses adaptateurs EF-EOS R, il apparaît que Canon est allé un peu plus loin que son rival.
Ces petits détails peut-être pour vous, mais qui comptent beaucoup
De prime abord, l’intérêt technique de l’EOS R ne saute pas aux yeux par rapport à un EOS 5D IV. Plus récent, il propose forcément des caractéristiques un peu plus poussées, mais ne serait-il finalement qu’un reflex castré de son miroir ? Sûr de son fait, Canon propose donc une page comparant frontalement les deux boîtiers mais, même en la détaillant, l’intérêt ne saute pas immédiatement aux yeux. Pourtant…
Le premier intérêt de l’hybride par rapport au reflex est que, désormais, tout le capteur est utilisé pour réaliser la mise au point. Ce qui permet à l’EOS R de clamer 5655 « collimateurs » AF sélectionnables, là où l’EOS 5D IV doit se contenter de 61. Visée électronique oblige, la mise au point manuelle sera facilitée par la présence de focus peaking : les amateurs de macrophotographie, de portrait et même de vidéo apprécieront. Toujours du côté de la mise au point, l’autofocus est désormais sensible jusqu’à -6 IL ce qui, me semble-t-il, constitue un nouveau record, tous boîtiers et toutes marques confondues. Ce n’est pas rien !
Côté vidéo, si vous aurez bien noté que les cadences de prise de vue en 4K/UHD et Full HD s’avèrent relativement modestes, l’EOS R se rattrape autrement. D’une part, le profil C-Log est disponible par défaut (comme le N-Log des Nikon Z, le S-Log des Sony Alpha 7/9, le L-Log du Leica SL… mais pas le V-Log du Panasonic Lumix GH5), à une sensibilité de base de 400 ISO. Très bien ! Plus expérimenté que Nikon en la matière, Canon propose également le choix entre un enregistrement en ALL-I (jusqu’à 480 Mbits/s) ou en IPB (jusqu’à 120 Mbits/s), alors que, sauf erreur de ma part, les Nikon Z ne font que de l’IPB – s’ils proposaient de l’ALL-I, ils l’auraient sans aucun doute précisé. Et, comme nous sommes chez Canon, l’EOS R profitera bien sûr de la colorimétrie maison si réputée pour la fidélité de ses tons chairs avec, pour la partie photo, plusieurs tailles de RAW disponibles, d’un menu clair et totalement tactile. Bref, autant de petites choses qui, sur le papier, me feraient préférer cet EOS R à un Nikon Z. Voire même à un Sony Alpha 7 (toutes déclinaisons confondues)…
Conclusion : Canon EOS R, une (R)évolution logique
Le nouveau système a été présenté le 5 septembre 2018 mais ce n’est finalement qu’aujourd’hui, le 7 septembre, que je publie ce billet. Et, pour une fois, ce n’est pas parce que je suis un athlète de la procrastination, mais bien parce que j’ai mis beaucoup de temps avant de me décider sur ce que je devais penser de la proposition hybride 24 x 36 mm de Canon.
Ma toute première réaction, en toute honnêteté, a été une déception teintée d’étonnement. Pourquoi une monture RF aussi restrictive par rapport à l’EOS-M ? Pourquoi une fiche technique a priori aussi terne ? Pourquoi un seul boîtier ? Pourquoi un seul emplacement mémoire ? Pourquoi ne pas avoir fait l’effort d’une stabilisation mécanique ? Pourquoi une attitude aussi conservatrice quant à la vidéo ? Pourquoi Orangina Rouge est-il si méchant ? Probablement parce que je me laisse trop influencer par les forums et sites anglo-saxons, peut-être ai-je un peu trop tendance à vouloir que chaque nouveauté soit l’occasion de franchir, d’un seul coup, de grandes étapes technologiques. Finalement, cette déception initiale ne viendrait-elle pas simplement du fait que j’ai tendance à me comporter comme ces personnes qui m’insupportent le plus, les « ingénieurs de forums » ? N’avais-je pas eu le tort de m’être déjà faite ma propre opinion avec les quelques éléments qui avaient fuité avant la présentation officielle ?
À la réflexion, je confirme que, effectivement, tout comme les Nikon Z, cet EOS R ne déclenche pas cet effet « wahou » et si grisant. Ça, c’est une certitude. Mais ce serait passer à côté de l’essentiel : Canon n’est pas là pour faire plaisir aux geeks mais pour penser aux photographes. Et vu sous cet angle, les bagues d’adaptation maison sont, réellement, les meilleures idées que j’ai vues depuis longtemps de la part d’un fabriquant d’hybride. Car ce sont elles, et non pas les objectifs lumineux, qui incarnent le mieux l’état d’esprit qui a présidé à la conception de ce système R : penser un nouvel écosystème cohérent, à la fois autosuffisant, mais aussi capable de permettre d’aller plus loin pour ceux qui viendraient des reflex Canon EOS. Et tant pis si l’EOS R ne séduit pas ceux déjà équipés chez Sony, le vivier interne est déjà bien assez important. Et tant pis si le premier EOS R a des lacunes : un système, ça se mûrit, ça évolue, et les Sony Alpha 7 III auront mis cinq ans pour devenir ce qu’ils sont actuellement.
Il va être très difficile, pour Nikon aussi bien que pour Sony, de ravir la première place du podium à Canon, aussi bien au classement général que dans celui des boîtiers à capteurs 24 x 36 mm. L’affaire se complique surtout pour Sony qui va devoir mettre les bouchées triples pour déployer son service professionnel, d’une part, et apprendre à encore mieux écouter les photographes qu’ils ne le font actuellement (bien que les progrès aient été évidents ces cinq dernières années). Bref : le nouveau système de Canon n’est, sur le papier, pas le meilleur, mais le plus cohérent, d’une courte tête. Et vivement que de nouveaux acteurs viennent chambouler ce triangle de tête. (Oui oui, Panasonic, c’est toi que je regarde.)
Bon, par contre, Canon, il faudra qu’on parle de ce cliché d’avoir opté, pour la promotion de l’EOS R, pour ce cliché d’un ambassadeur vidéaste technophile et d’une ambassadrice qui s’en fiche de la technique tant que ça lui permet d’exprimer sa sensibilité artistique…
Hello,
petit souci avec ce passage :
Lorsque les premiers reflex numériques Canon EOS 24 x 36 mm ont été introduits, Canon a bien précisé qu’ils utilisaient une monture différente (monture EF) de celle des reflex numériques Canon EOS à capteurs APS-C (monture EF-S), et qu’utiliser un objectif APS-C sur un boîtier 24 x 36 mm (et vice versa) était dangereux ! Alors qu’en fait, ça marche très bien
Le premier EOS-1Ds (premier 24×36 numérique Canon, un an après Contax) est arrivé en 2002 et utilisait la même monture EF que tous les EOS (y compris les premiers numériques APS-C : EOS D30, D60 et 10D). La variante EF-S n’est apparue que huit mois plus tard avec l’EOS 300D et le mémorable EF-S 18-55 mm (celui qui faisait poser la question « un cul de bouteille au prix d’un bouchon de boîtier, est-ce une bonne affaire ? »).
Du coup, c’est en fait dans l’autre sens : c’est lors de l’apparition des EF-S que Canon a indiqué qu’on ne pouvait pas les monter sur un boîtier plein format (ou même APS-H). En fait, l’arrière du 18-55 mm s’enfonçait dans la monture pour réduire le tirage optique, et le miroir d’un EOS-1D l’aurait percuté lors de la prise de vue. Les EF-S ont du coup une protection spéciale qui empêche de les monter sur les boîtiers « EF only », donc on ne peut pas dire que « ça marche très bien » : s’il n’y a aucun obstacle philosophique (le DA 40 mm et le K-1 s’entendent étonnamment bien, par exemple, et on peut tout à fait monter un objectif DX sur un D750 ou un E sur un α7 et recadrer pour virer le vignetage), Canon a pris soin d’ajouter un obstacle technique.
Ils ont, ceci dit, remis une petite piqûre de rappel au lancement de l’EOS 6D, rappelant que c’était un vrai EF, comme le 5D et les autres, et qu’il était impossible et dangereux d’y monter des objectifs EF-S. C’était sans doute prudent vu le public visé.
À part ça, bien vu pour le tirage, je m’en veux de pas y avoir fait gaffe. Ça sera donc plus simple d’utiliser un FD qu’un EF-M. Oo’