TIPA Awards 2019 : l’école des fans s’est assagie. Un peu.

Dans la vie, il y a des choses immuables, gravées dans le marbre. Il y a aussi des choses incontestables. Il y a aussi celles qui imposent le respect par leur justesse. Et puis, il y a les TIPA Awards…

 

Année après année, les membres du TIPA, des professionnels indépendants issus des rangs de la presse photographique spécialisée, venus des quatre coins du globe (sauf d’Afrique) (sauf d’Asie, à part la Chine et l’Inde) redoublent d’efforts pour rappeler que l’École des Fans n’est pas morte et que, quand on veut (caser des trucs dans des cases) on peut (inventer des cases pour y caser des trucs). Ce qui en fait est plutôt cool puisque, chaque année, cela me donne l’occasion d’être grognon tout en faisant preuve d’une mauvaise fois à peine dissimulée. (Je suis Français, j’aime bien râler, mes parents auront au moins réussi cette partie de mon éducation.)

Cette année, comme toutes les années, le TIPA s’est dépassé, tout en maintenant le nombre de catégories à quarante. À titre de comparaison, l’EISA, pour le domaine de la photographie, se contente de dix-huit catégories… Pour cette année 2019, la répartition des sous-catégories évolue (encore). Parmi les catégories en chute libre, un seul reflex est récompensé en 2019 contre quatre en 2018, alors que du côté des compacts le nombre de lauréats est réduit de moitié (deux contre quatre). Pour compenser, ce sont désormais huit hybrides et douze objectifs (contre respectivement six et neuf précédemment) qui vont avoir le droit de crâner en 2019 avec leur joli (et très lucratif) logo doré. Pour le coup, il faut bien reconnaître que la catégorisation épouse les évolutions du marché, et c’est plutôt cool, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais, bien sûr, les TIPA Awards ne seraient pas les TIPA Awards si les dénominations et surtout les lauréats ne partaient pas complètement en cacahuète. Que nous réserve donc le cru 2019 ?

Le titre de meilleur reflex de l’année échoue au Nikon D3500. Une évolution cosmétique du D3400 de 2016. Lui-même une très légère amélioration du D3300 de 2014. Youhou, la foule en délire ! Il faut dire que cette année, la compétition était vraiment rude puisqu’en 2018 seuls deux reflex sont sortis : le D3500 et le Pentax K-1 Mark II, pas non plus révolutionnaire dans son genre mais malgré tout autrement plus ambitieux. C’est quand même un peu la lose…Enfin, bon, à ce tarif là, autant ne récompenser aucun reflex et attendre sagement le Nikon D6 de cet été. Ceci dit, en lot de consolation, Ricoh, avec son GR III, remporte le prix du meilleur compact expert, et le prix de la meilleure caméra 360° avec la Theta Z1 (qui, officiellement, n’est disponible que depuis trois jours).

Pour rester dans le monde du reflex, mais ce coup-ci des objectifs, six d’entre eux ont été récompensés. Et fait assez rare pour être souligné, aucun Nikkor ne figure parmi eux (ils ont dû se dire que l’AF-S Nikkor 500 mm f/5,6E PF ED VR devait dauber la mort, probablement). Ni aucun Tamron… Avec trois objectifs primés, c’est Sigma qui se taille la part du lion (40 mm f/1,4 DG HSM | Art, 60-600 mm f/4,5-6,3 DG OS HSM | Sport, 70-200 mm f/2,8 DG OS HSM | Sport). Là, j’imagine Kazuto en train de daber à Aizu, mais je ne devrais peut-être pas. Parmi les trois autres primés, il faut féliciter Samyang qui, avec le XP 10 mm f/3,5dans la catégorie « ultra grand angle pour reflex », gagne son deuxième TIPA Award . Enfin, notez que l’Opera 16-28 mm f/2,8 (que j’ai testé pour Nikon Passion) permet à Kenko Tokina de remporter le tout premier TIPA Award de son histoire.

Arrivé à ce point du billet, je suis en train de me dire que j’ai été médisant parce que finalement, pour les objectifs reflex, le jury n’a pas trop déconné… Merde. Bon, voyons ce qu’il en est du côté des objectifs pour hybrides, également au nombre de six, soit deux fois plus que l’année dernière (deux Canon, deux Sony, un Nikon et un Tamron). Le TIPA s’est senti obligé de récompenser quatre focales fixes, contre une seule l’année dernière. Ce qui quelque part est bien, d’abord parce que ça rappelle que les constructeurs mettent les bouchées doubles pour déployer leur gammes optique, et d’autre part parce que ça permet d’emmener une certaine cohérence par rapport aux objectifs pour reflex. Enfin, bref. Quatre focales fixes, donc, dont trois pour des systèmes 24 x 36 mm, une pour de l’APS-C, et zob pour le Micro 4/3. Nous noterons la contre-performance du Panasonic Lumix S Pro 50 mm f/1,4, censé être le meilleur 50 mm du monde, totalement absent de la liste puisqu’il s’est fait griller la priorité par le Canon RF 50 mm f/1,2 L USM. Faut croire que les experts n’ont pas reçu leur exemplaire… Ceci dit, c’est mérité pour le Canon, amplement, tout comme pour le très récent Sony FE 135 mm f/1,8… Tout comme pour les Nikkor Z 14-35 mm f/4 S et le Tamron 28-75mm f/2,8 Di III RXD. Zut, il y a du laisser-aller au TIPA, ils se mettent à faire des palmarès cohérents…

Heureusement, je me dis que l’apéro et les petits plats thaïlandais ont dû passer par là (puisque cette année la réunion avait lieu à Bangkok, capitale d’un pays dont ne provient aucun membre du TIPA), et que ça va enfin partir en sucette avec les boîtiers hybrides. Bah non, même pas ! Certes, ce n’est pas parfait, mais ça reste moins délirant que certaines années, en mettant de côté la multiplication des sous-sous-catégories pour faire plaisir au plus grand nombre possible. En effet, ce ne sont pas moins de huit boîtiers qui se voient décorés. L’Olympus OM-D E-M1X a droit à sa propre catégorie, celle du meilleur hybride Micro 4/3 professionnel, puisqu’après tout, c’est le seul hybride Micro 4/3 professionnel sorti cette année. Le Canon EOS RP devient le meilleur hybride 24 x 36 mm amateur, puisque, bah, c’est le seul hybride 24 x 36 mm destiné aux amateurs de part sa position tarifaire (et sa fiche technique castrée, mais ce serait mesquin de le rappeler). Le Fujifilm X-T30, qui est un hybride expert-amateur, gagne le prix du meilleur hybride amateur, puisqu’il fallait laisser de la place au Sony Alpha 6400 sur le trône du meilleur hybride expert, alors que la place aurait dû logiquement revenir au Fujifilm X-T3. Mais bon, ça aurait fait trois Fuji, puisque le GFX50R remporte la palme du meilleur hybride moyen format. Puisque c’est le seul hybride moyen format sorti cette année là (vous commencez à connaître la chanson). De son côté, Nikon fait carton plein avec ses Z, puisque les Z 6 et Z 7 sont, respectivement, les meilleurs hybrides experts et professionnels. Retenez donc : quand on est un pro, on veut des pixels, tout plein de pixels. Vive la pédagogie. Panasonic n’a pas autant de chance puisque seul son Lumix S1 a réussi à se positionner, en tant que meilleur hybride 24 x 36 mm Photo/Video. C’est d’ailleurs la seule récompense de Panasonic cette année…

Je passerai très rapidement sur les autres catégories, puisque je ne suis pas suffisamment connaisseurs pour juger (surtout en ce qui concerne les accessoires), pour aller directement à un nouveau prix, inventé cette année pour l’occasion. J’ai nommé le « Special Industry Award » qui revient à la L-Mount Alliance. Mais oui, vous savez, ce truc entre entre Panasonic, Leica et Sigma (ça fait PLS) dans lequel tous trois déploient (ou vont déployer) des boîtiers et objectifs utilisant une monture commune (la monture Leica L) permettant une parfaite interopérabilité ! Sauf qu’en fait non, puisque la récente bague Sigma MC-21 ne fonctionnera pas sur les actuels boîtiers Leica en monture L, plus quelques autres restrictions. Nous mettrons cela sur le compte du faux départ et des inévitables ajustements propres à toute collaboration trans-industrielle (le système Micro 4/3 ne s’est pas construit en un jour), même si c’est ballot puisque ce « Special Industry Award » est carrément une bonne idée.

Et là, me voilà marri. J’étais parti pour encore dire du mal du TIPA mais il faut bien reconnaître que, cette année, ils ont moins déconné que d’habitude. Bon, bien sûr, il y a toujours leurs sous-sous-sous-catégories à rallonge dont le seul but est, de toute évidence, permettre de récompenser le plus grand nombre de copains euh, constructeurs possibles, mais au moins, cette fois-ci, le remplissage n’a pas été fait à l’aveuglette et selon une logique surréaliste. De là à dire que les TIPA Awards deviennent un indicateur fiable et respectable (ça ne leur aura pris que vingt-sept ans), à deux jours près, ça aurait pu passer pour le meilleur premier avril de l’année. Ou alors c’est juste un accident de parcours.

 

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